17h49. J'ai appris mes premiers
kanjis...
Au point où j'en suis, je suis avide
de nouvelles connaissances, j'essaye de tout comprendre, j'ai une
infinité de questions à poser.
Je me trouve encore au début de
l'apprentissage. Ce moment à la fois terrifiant et grisant, où l'on
ne peut que s'améliorer, où l'on veut apprendre toujours plus
puisqu'on ne sait rien...
Tout est nouveauté, surprise...
C'est sans doute le moment le plus
enrichissant lorsque l'on apprend une langue...
10 Juillet 2012
15h22. Le train pour Mino-Akasaka
quitte le quai pile à l'heure, comme toujours.
Assise dans la seconde voiture, je
lutte pour ne pas m'endormir...
L'échappée vers Gifu de la veille
fait encore effet sur moi...
Partis trop tard, nous avons fini par
abandonner l'idée d'aller jusqu'au fleuve pour voir l'ukai, pêche
au cormoran.
Finalement, j'ai découvert Gifu de
nuit, ai mangé un sukiyaki et ai testé le karaoké pour la première
fois...
Chanter est un chose, et ce n'était
déjà pas gagné pour moi... Chanter dans un micro, dans une pièce
minuscule, c'est radicalement différent... On ne s'entend pas, le
son est étrange... Mais la gêne disparaît assez rapidement...
13 Juillet 2012
16h18. Le bus est pile à l'heure.
Je quitte l'école puis Chayashinden,
je traverse le pont pour Ogaki...
Et demain, je partirai de ma chambre,
de la maison, de Mino-Akasaka, de Gifu, de Nagoya, du Japon...
Un terrible pincement au cœur ne me
quitte plus depuis le début de l'après-midi... Pincement que je
n'avais pas ressenti depuis des années. Pincement qui me prouve une
fois de plus que je suis amoureuse de ce pays.
Ces derniers jours ont été pleins
d'émotions et de nouvelles choses, trop courts... Je n'ai pas trouvé
le temps de relater en temps et en heure ma semaine afin de la vivre
au maximum...
Demain, dans l'avion...
14 Juillet 2012.
14h54. La même phrase tourne en boucle
dans ma tête depuis hier...
かえりたくない。
Je ne veux pas rentrer.
J suis pourtant assise dans la salle
d'embarquement, sans autre option que de rentrer dans l'avion lorsque
l'on me le demandera.
Je n'ai pas envie de rentrer.
J'ai envie de pleurer.
Ma famille d'accueil me manque déjà.
Ohuku me manque déjà. Mon futon et ma chambre me manquent déjà.
L'école me manque déjà.
Aujourd'hui plus que jamais je sais que
je ne pars que pour revenir, plus tard, plus longtemps.
Nous sommes sur une même sphère. La
Terre est ronde et il y a donc toujours une possibilité de retour.
Mais l'avion finit par partir et l'étau
dans ma poitrine par se resserrer.
Je ravale mes larmes et regarde les
immenses cargo qui glissent sur la mer, à quelques 500mètres de
moi.
Je ne veux pas partir...
16h25. L'embarquement est annoncé.
Mon ventre se noue. Dehors, il fait
chaud et moite et l'atmosphère qui plane sur la mer le prouve.
Dedans, l'air conditionné me glace et me donne envie de sortir. Je
veux profiter du chaud été japonais, de son automne coloré, de son
hiver enneigé, de son printemps fleuri.
Je veux rester dans ce pays qui a su si
facilement m'envoûter.
16h48. L'avion quitte le lieu
d'embarquement et se dirige doucement vers la piste.
L'équipe technique restée sur la
piste se tourne vers l'avion et nous salue en secouant leur main de
gestes réservés et vifs à la fois.
Avec le décollage, mon anxiété me
quitte.
Il faut partir pour revenir.
20h24 / 19h24. Ce qui est certain,
c'est que j'ai perdu beaucoup de temps, d'énergie et de patience en
essayant de comprendre logiquement le fonctionnement de l'aéroport
de Shanghai... Il n'y a rien à comprendre en vérité, car il n'y a
rien de logique.
Les plans et les panneaux indiquent un
espace de transfert pour les vols internationaux, mais il n'est pas
utilisé.
Arrivé à ce point, sans information,
sans autre langue que l'anglais, l'espagnol, le français et le
japonais, il s'agit de comprendre que le désordre de l'aller était
en fait normal.
Quoi qu'il arrive, on obtient un
« visa » jusqu'au jour du départ de l'avion. Quoi qu'il
arrive, on va récupérer son bagage afin de le ré-enregistrer
quelques heures plus tard.
Ce n'est pas ce système en soit qui me
rend perplexe, mais son utilisation dans un bâtiment aussi neuf et
bien muni.
22h53 / 23h53. Le calme et la quiétude
des japonais me manquent.
Trop de bruits, trop de cris dans
l'aéroport. Je suis parvenue à dormir quelques deux heures au
milieu de ce capharnaüm, d'un sommeil tendu et entrecoupé de
sursauts.
Je le savais déjà, mais mon mal de
tête me rappelle violemment que le mandarin est une langue que je
n'apprécie pas particulièrement.
15 Juillet 2012
Quelque part entre l'heure française
et l'heure chinoise. Comme à l'aller, le vol est parti avec du
retard. Deux heures.
Comme à l'aller, j'ai dormi tout au
long du vol. Mal.
La tête pleine des souvenirs des deux
dernières semaines, je passe et repasse en revue toutes les choses
que j'ai découvertes, vues, entendues, ressenties et toutes les
choses que je ne pourrai plus faire en France.
Je ne pourrai plus manger de sushi.
Mercredi soir, ma famille m'a emmené
dans un kaiten sushi. Restaurant familial, bruyant, commun, peu cher.
Une multitude de maki, sushi et autres à m'en faire perdre la tête.
Un fonctionnement très japonais, efficace et amusant. Des poissons à
profusion d'un goût et d'une fraîcheur sans comparaison.
Le souvenir d'une soirée inoubliable
et simple passée avec ma famille d'accueil.
A quelques minutes de l'atterrissage.
Nous sortons soudain des nuages pour découvrir les champs autour de
l'aéroport.
Rapidement, nous nous rapprochons du
sol, puis nous atterrissons.
Le matin s'est levé il y a peu et les
couleurs pastels des nuages en témoignent.
10h55. Mon voyage sera définitivement
terminé une fois arrivée chez moi. Encore un train et un bus...
Mardi, en fin d'après-midi, nous
sommes allés faire des courses, Yabashi-san et moi. Trois heures à
cherches des omiyage pour ma famille et mes amis... C'était amusant,
même pour moi qui n'aime pas les magasins...
Le temps a finit par nous rappeler à
l'ordre et nous avons rejoint d'autres étudiants et familles dans un
restaurant d'okonomiyaki... Au passage, je ne pourrai plus jamais
manger d'okonomiyaki en France.
Découverte d'une immense maison
traditionnelle, annexée à un temple shintô dont les propriétaires
sont les gardiens.
Ici, l'adage selon lequel les amis de
nos amis sont nos amis prend tout son sens.
Ici, hospitalité rime avec quotidien.
Pièces recouvertes de tatami qui
dégagent une agréable odeur de paille. Salle de sadô personnelle.
Prières shintô psalmodiées en notre seule présence.
Encore une fois, le temps passe trop
vite.
11h02. Je ne sais pas encore si je suis
heureuse ou honteuse...
Heureuse car il s'agissant tout de même
d'une espèce de rêve.
Honteuse car à mes yeux, les seules
japonaises sont élégantes à ces occasions.
Le jeudi, nous avons célébrés
Tanâbata. Avec vœux et yukata.
Mon yukata... Que Yabashi-san m'avait
acheté et offert deux jours plus tôt.
Je ne sais pas encore si je suis
heureuse ou honteuse. Tout ce que je sais c'est que je suis
reconnaissante.
11h21. Parmi toutes les choses
auxquelles j'ai été confrontées, une grande part d'entre elles
mérite que je la mette dans une liste « Ce qui est vrai au
Japon et dans les fictions japonaises » ou encore « A
faire et/ou voir au Japon ».
11h23. Une fois cette liste faite, il
faut que je 'check' tout ce que j'ai eu l'opportunité de vérifier.
11h29. Pour mon dernier repas,
Yabahi-san a préparé tout ce que je n'avais pas eu l'occasion de
manger avant...
Yakitoris au poulet, au bœuf et au
gésier, somen, karaage et même anguille. Un délice pour chacun des
plats...